
Imaginez ! Nous sommes en 1908, les premières routes et les premières voitures se développent à peine. Néanmoins, des passionnés ont l’idée folle d’organiser un rallye d’hiver parcourant la moitié du globe. Les sponsors ne se font pas attendre : le New York Times et Le Matin s’emparent de la nouvelle et financent le projet. Aussitôt imaginé, aussitôt mis en application. La course est prévue pour le 12 février. C’est donc ce matin-là, au cœur d’un New York enneigé et glacé, que près d’un quart de millions de curieux « zieutent » la ligne de départ attendant impatiemment le coup de feu.

Si peu pour l’heure actuelle mais tellement énorme pour l’époque ! 6 voitures vont concourir lors de cette course folle. La France y est largement représentée. Sur 6 voitures, 3 sont françaises. Les 3 dernières représentent une véritable concurrence : il y a une américaine, une allemande et une italienne.
Il est 11h, cela signifie que la course devrait commencer. Mais le maire de New York, George McClellan, est terriblement en retard. La foule s’excite, il va devenir impossible pour la sécurité de retenir l’exaltation des gens. Un spectateur s’impatiente tellement qu’il s’empare du pistolet censé lancer le départ. Trop tard, il tire et les coureurs démarrent en trombe. L’aventure commence !

Du jamais vu et probablement encore probant de nos jours. L’itinéraire promet de l’inédit, des péripéties et de futures anecdotes. Le plan de route est impressionnant surtout pour l’époque. Il commence en traversant les États-Unis puis remonte vers le Canada et continu avec un morceau de l’Alaska. La course se poursuit sur le détroit de Béring pour aller en Sibérie, puis se prolonge en direction de la Russie et finit enfin à Paris.

Comparables aux sports extrêmes d’aujourd’hui, les conditions de vie sont rudes notamment à cause du froid glacial. Le challenge est d’autant plus grand et intéressant. Finir cette course devient un défi et sera un symbole de fierté. Les organisateurs s’inquiètent tout de même de la santé physique des concourants et espèrent qu’ils seront suffisamment en forme pour finir le rallye.

Malheureusement, les voitures françaises sont visiblement moins solides que leurs conducteurs. Même pas 200 km parcourus qu’elles ne survivent pas à cette incroyable course. L’état des routes est pitoyable. Malgré les réparations constantes, les véhicules sont très détériorés et font perdre énormément de temps aux participants.

Une grande partie de la course se déroulant en Amérique, en soutien envers leur patrie, beaucoup d’américains aident l’équipe américaine pendant que les équipes étrangères galèrent.

Parmi les anecdotes, plusieurs sortent du lot.
En 1908, les chemins de fer étaient plus développés que les routes goudronnées. Ainsi devant les difficultés que ces dernières imposent aux coureurs, ceux-ci décidèrent d’emprunter les voies ferroviaires comme une autoroute. Pour rouler sereinement, tous adaptent des « Pneus ballons » (pneus type de vélo) sur leurs automobiles.

La team américaine « Flyer Thomas », connaissant très bien son pays, a largement pris de l’avance sur les autres. Sur leur chemin, les dirigeants de cette team, le mécanicien George Schuster et Montague Roberts, amusés par l’histoire de Hans Hendrick Hansen l’ont pris avec eux. En effet, celui-ci faisait partie de la team des voitures françaises mais visiblement en désaccord avec son coéquipier, il l’avait défié en duel. Face à cette menace, il avait été congédié.
Décidément les Français ne sont pas en reste. Après une défaillance mécanique, la dernière équipe française dût renoncer à la course. Le pilote français avait acheté toute l’essence sur le passage pour l’offrir à l’équipe qui voudrait bien de lui à bord. Les italiens n’ont pas hésité une seconde à le prendre. Le français fut disqualifié sur le champ !
Cet extraordinaire rallye a révélé la nature intrépide de nos aventuriers. Le suspens durera jusqu’au dernier moment. C’est finalement les américains remportèrent la course le 30 juillet 1908, soit plus de 5 mois et demi après le départ. Adulés par des spectateurs admiratifs à leur arrivée, Georges Schuster et ses acolytes, reçurent les honneurs et un trophée de 1400 livres. Plus qu’une première place sur le podium, ce voyage leur a apporté mérite et expérience inédite.