
Vous ne le savez peut-être pas mais Carl n’aurait pas été Benz sans sa Bertha. En effet, Bertha Benz, née sous le nom Ringer le 3 mai 1849, est une des premières à avoir cru et investi dans le projet de son cher et tendre.
Une petite dame au grand caractère : Bertha était connue comme étant une jeune femme très déterminée et têtue. De par le contexte de l’époque, où les croyances sur la capacité intellectuelle de la femme portait nuisance à celle d’avoir des enfants, elle n’eut malheureusement pas le droit d’entreprendre des études. Pourtant, dès son plus jeune âge, elle écoutait attentivement et avec beaucoup de curiosité les explications de son cher papa sur le fonctionnement de la locomotive. La mécanique l’émerveillait. À l’âge de 9 ans, elle apprit qu’à sa naissance son père avait été déçu d’avoir de nouveau une fille. Il est dit que, c’est suite à cette révélation, que Bertha se donna comme ambition de prouver au monde entier qu’une femme était aussi capable et intelligente qu’un homme.
Bertha Ringer avait tout pour plaire et elle ne manquait pas de succès auprès de la gente masculine. Une liste de soupirants s’adressait à elle mais le cœur a ses raisons que la raison n’a pas et c’est sous le charme étrange de Carl Benz qu’elle succomba. De plus, son ingéniosité et ses idées ont séduit la jeune femme à tel point qu’elle décida d’investir dans l’entreprise de celui qui deviendra son époux le 20 juillet 1872 ; ceci malgré la désapprobation de son père. Mais quand Bertha Ringer voulait quelque chose elle l’obtenait ! D’ailleurs, Carl Benz le fit remarquer dans ses mémoires en écrivant « J’accueille à mes côtés une idéaliste qui sait ce qu’elle veut : quitter ce qui est petit et étroit pour atteindre ce qui est grand, lumineux, vaste. »

Carl Benz fut un génie pour l’automobile mais un piètre marketeur, il ne savait absolument pas se vendre. En 1886, il invente la Benz Patent Motorwagen, première automobile propulsée par un moteur à explosion. Mais personne ne s’y intéresse. De plus, les gens étaient frileux devant ses inventions. Ils voyaient la voiture comme un monstre, ils en avaient peur et ils ne comprenaient pas son intérêt.
Mais que serait devenu Benz sans Bertha ? Cette ambitieuse visionnaire continue de croire inexorablement à cette invention. Persuadée de son utilité, atterrée et déçue par l’aveuglement des gens devant l’invention de son bien-aimé, elle le soutient avec ferveur. Pour le lui prouver, cette petite dame pris la décision d’entreprendre un voyage à bord de la fameuse voiture mais sans le lui en parler !

Le 5 août 1988, elle prétexta une visite à sa mère. Seulement, elle n’avait pas précisé qu’elle s’apprêtait à utiliser le prototype de l’automobile à essence. Elle partit avec ses deux fils pour un voyage de plus de 100km, sans se soucier de la permission des autorités. Imaginez le contexte de l’époque. Il n’y avait que très peu d’essais et sur de très courtes distances. Hors son itinéraire était de parcourir toute une partie de la bordure de la Forêt-Noire. Ainsi, elle conduisit le modèle n°3 de la « voiture à moteur brevetée », de Mannheim à Pforzheim. Ce prototype amélioré était équipé de solides roues à rayons en bois et d’un moteur puissant. Madame Benz et ses fils font sensation.

Cependant, le voyage ne fut pas de tout repos, elle dût doubler d’astuces pour remédier aux défaillances techniques de son véhicule. Ce qui ne fut pas une mauvaise chose, car en plus d’être une conductrice pionnière, elle fut à l’origine de bons nombres d’améliorations mécaniques de la voiture. Elle a inventé les plaquettes de freins et elle a suggéré une vitesse supplémentaire pour monter les côtes. Bien d’autres anecdotes se succèdèrent : « Elle doit trouver du ligroine qui sert de carburant et que l'on ne trouve que chez l'apothicaire. Elle s'arrête donc à Wiesloch et va à la pharmacie.» Le pharmacien pensait qu’elle souhaitait acheter de la lessive au vu de ses vêtements complètement salis. Mais non, agacée elle insista et obtint le stock entier de ligroin ! «Elle doit par ailleurs utiliser une longue épingle à chapeau pour nettoyer les tuyaux à carburant, qui sont obstrués, et isole un câble avec une jarretière.»
Le tour est joué, Bertha Benz fit parler d’elle et de ses exploits. Elle prouva la fiabilité et l’utilité de ce nouvel engin aux yeux du monde. Ce fut le grand succès devant cette aventure inédite. Ce qui attira les futurs actionnaires. Et Carl devenu Benz avec sa Bertha.
Pour ses 95 ans, l'Université technique de Karlsruhe lui fit l’honneur de la proclamer Sénateur. Les honneurs ne s’arrêtent pas là. En 2008, l’itinéraire emprunté par la première conductrice au monde fut officiellement approuvée en tant qu'héritage industriel de l'humanité.
«L'itinéraire authentique emprunté par Bertha Benz parcourt la région des Vins du Pays-de-Bade. Il suit plusieurs voies romaines dans la plaine du Rhin supérieur, par exemple, la Bergstrasse (Chemin de la Montagne), il conduit au pied de la montagne de l'Odenwald et Kraichgau, et peu de temps avant de parvenir à Karlsruhe, il bifurque dans la vallée Pfinztal menant à Pforzheim, l'entrée de la Forêt-Noire. Pour le retour, Bertha a eu peur des montagnes escarpées, elle a donc suivi le Rhin pour atteindre Mannheim. C’est aujourd’hui la route touristique « Bertha Benz Memorial Route 6 ».

Comme quoi être têtu ne signifie pas obligatoirement être un âne. Voici donc comment les voitures à cheval furent remplacées par les voitures à moteur.