Le musée national de la Voiture et Rétromobile se sont associés une fois encore en 2017 pour valoriser le patrimoine automobile ancien et son histoire. Cette année, deux véhicules d’exception étaient exposés : le coupé trois-quarts ayant appartenu à Louis Pasteur, que l’Institut Pasteur souhaite déposer au musée national de la Voiture et le landaulet trois-quarts électrique de Louis Krieger daté de 1906.
Ils étaient présentés autour de trois thématiques : * l’ancienneté de la voiture électrique * les liens qui unissent les carrossiers automobile et hippomobile * et la relation particulière qu’a Louis Pasteur avec Compiègne, où il est venu à maintes reprises.
L’ancienneté de la voiture électrique

La voiture électrique connait un nouvel intérêt aujourd’hui ; elle apparaît comme une innovation majeure, alors que dès la fin du 19e siècle, elle existait déjà ! La Jamais Contente, véhicule électrique, conservée au musée national de la Voiture/Palais de Compiègne, est la première voiture de l’histoire de l’automobile à dépasser les 100 km/h en 1899 ! Camille Jenatzy, pilote et industriel de la voiture électrique, était alors aux commandes.
Au-delà des records et des performances, le véhicule électrique rencontre un certain succès dès le début du 20e siècle. Il est alors considéré d’un usage urbain dont le prix demeure assez élevé. Bien que voiture de luxe, l’automobile électrique devient toutefois aussi taxi. La Compagnie Générale des Voitures à Paris fut la première, dès 1899, à s’équiper d’une centaine de véhicules électriques (par l’anglais Bersey).
Le succès fut dans un premier temps néanmoins mitigé en raison de la faible capacité des batteries, du nombre insuffisant de stations de recharge et du poids encore élevé des véhicules au regard de la faible résistance des pneumatiques.
La seconde génération de véhicules électriques qui débute dans les années 1905, est plus performante. Le landaulet Krieger du musée national de la Voiture, appartient à cette période. Louis-Antoine Krieger (1868-1951) est diplômé de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures en 1891. Il travaille alors pour les batteries Fulmen et transforme en 1894 une victoria de la Compagnie des Fiacres de l’Abeille en voiture électrique, en plaçant à l’avant un dispositif de traction électrique dont l’autonomie des batteries était de 30 km.

Dès 1895, Kriegeréquipe ses véhicuels de nombreuses batterieset place un moteur sur chacune des roues motrices. Il étudie même un système de recharge des batteries lors du freinage moteur et se penche sur les différentes solutions possibles pour limiter les pertes d’énergie.
La même année, il fonde sa propre entreprise à Courbevoie : la Société Civile des Voitures Eléctriques, système Krieger qui dès 1898, rencontre de francs succès commerciaux. La société connait néanmoins quelques péripéties économiques et financières, mais les voitures électriques Krieger figurent parmi les plus vendues en Europe, tandis que la Compagnie Parisienne des Taxautos Eléctriques, fondée en 1906, acquiert 150 fiacres à Krieger. En 1905, Krieger s’associe au constructeur automobile Brasier. Au début des années 1910, les taxis de la marque Krieger représentaient environ 3 % du parc parisien. Ils étaient équipés d’une transmission électrique, d’un moteur à 4 cylindres Brasier, qui couplés à un générateur, alimentait les deux moteurs des roues avant : une voiture hybride bien précoce !

Dès 1898, Krieger participe aux courses de voitures organisées par l’Automobile Club de France aux côtés de Jeantaud et de Jenatzy, autres constructeurs de véhicules électriques concurrents, mais tous dotés de batteries Fulmen. L’émulation des fabricants se déplace alors des records de vitesse à la capacité des batteries.
Si Krieger connait dans les années 1905-1906 un certain succès industriel, la crise de 1907 est fatale à son entreprise, qui fait faillite en 1908.
Le landaulet électrique du musée national de la Voiture, daté 1906 selon le type K1, de 1905, figure parmi les modèles les plus fabriqués par Krieger. On estime sa production en France à environ 400 exemplaires. Sa destination est multiple : véhicule de luxe vanté par les publicités, véhicule de location, taxi. Son autonomie est de 90 km tandis que sa vitesse moyenne avoisinne les 40 km/h. Lors de son entrée dans les collections du musée national de la Voiture en 1927, il était équipé de batteries TEM. Ses moteurs sont placés sur la face interne des roues avant. Sa carrosserie, qui est réalisée par Krieger, est une carrosserie appartenant au monde de l’hippomobile : on devine encore le gabarit utilisé au niveau des roues. Elle est réalisée dans un bois léger, déposée sur un châssis et boulonnée.
La couleur de la caisse devait sans doute être noire à l’origine. La peinture actuelle date de la rénovation du véhicule par la société Lux en 1949, pour le tournage du film Occupe-toi d’Amélie de Claude Autant-Lara d’après Georges Feydeau. Les choix ont été faits en fonction des besoins du cinéma de cette époque, pour « accrocher » la lumière notamment. Les faux bandages en bois ont été ajoutés à cette époque.
Il fut décidé de restaurer le landaulet dans son état de 1949 pour conserver la cohérence historique du véhicule, certains éléments d’origine, comme la couche picturale de 1905-1906 ayant disparu.
Le coupé trois-quarts de Louis Pasteur

Si on compare la carrosserie du landaulet Krieger avec le coupé trois-quarts de Louis Pasteur, le lien qui unit les carrosseries hippomobile et automobile devient évident.
Les mêmes carrossiers, tels que les Kellner, Belvalette, Mühlbacher... , travaillent autant pour l’hippomobile que pour l’automobile au service de laquelle ils mettent leurs savoir-faire. Le coupé trois-quarts de Louis Pasteur est signé du carrossier Vacher, dont le nom figure sur les moyeux de roues. Il était utilisé par le savant pour se déplacer de l’Institut Pasteur à Paris à Marne-la-Coquette où il disposait d’un autre laboratoire.
Le coupé correspond aux trois-quarts d’une berline, jugé parfois assez disgracieux mais très pratique, car « pouvant être attelé constamment à un cheval, il convient à la fois aux petites fortunes et aux familles où il se trouve une ou deux jeunes personnes », d’après la Gazette du Carrossier de 1892 (cité par Jean Louis Libourel).
Pasteur et Compiègne Les liens qui unissent Pasteur à Compiègne sont par ailleurs nombreux. Il a été plusieurs fois invité par Napoléon III et Eugénie aux fameuses séries. Pasteur eut alors l’opportunité répétée de parler à l’Empereur de ses recherches et de leurs résultats, bénéficiant ainsi du soutien et de l’intérêt du souverain.
Sources utilisées : Elise Fau, Travaux de recherches sur le véhicule électrique, 2013 Agathe Revert, Rapport de restauration du Landaulet Krieger, 2016