Victor Bouffort, l'histoire d'un homme ingénieux

Pas toujours reconnu à sa juste valeur, Victor Bouffort est l'un des ingénieurs qui a marqué son temps par son ingéniosité.

Dans l’histoire de l’automobile, il y a des  hommes qui ont marqué leur époque par la grandeur de leurs empires industriels. Leur nom est toujours étroitement lié à la production d’automobiles d’aujourd’hui. Et puis il y a les autres, tous ces ingénieurs, techniciens et inventeurs qui ont toujours travaillé dans l’ombre sur de très grands projets.

Cette année, Rétromobile racontait l’histoire passionnante d’un de ces hommes visionnaires qui a eu une carrière étonnante et dont les inventions se sont concrétisées bien après sa disparition.

A 10 ans, le petit Victor Bouffort avait déjà l’esprit très inventif. Il passait des heures à construire des systèmes mécaniques, qui à l’époque, interpellaient déjà des bureaux d’études. Tout ce qui pouvait rouler ou voler l’intéressait.

En 1932, Victor a 20 ans. C’est dans la maison de ses parents qu’il dessine et construit son avion. En 1938, il participe à la construction de l’ Elytroplan un avion a haute stabilité. Sous l’occupation, Victor Bouffort avait la mission d’approvisionner les résidents suisses installés en France. À chaque voyage, il risquait sa vie car il cachait dans son camion des enfants juifs qu’il déposait en Suisse pour leur éviter la déportation  en camps de concentration.

L’après-guerre est une période où Victor Bouffort sera très productif. Au début des années 50, il décida de concevoir ses propres voitures. Comme les pneumatiques étaient rares et très chers, ses autos n’auront que 3 roues. Parmi ses réalisations, il construit un prototype toujours à 3 roues pour relancer la production d’une petite voiture de sport bon marché, plateforme en aluminium, châssis tubulaire, train avant de 4 chevaux Renault ; la transmission arrière et le moteur proviennent d’une moto Terrot 500 RGST. Après des essais sur l’autodrome de Montlhéry, le petit bolide s’avère très performant. Il était prévu de l’inscrire à la grande compétition du Bol d’Or. Hélas, faute de financement, le projet s’arrêta et le petit prototype tomba dans l’oubli.

Victor Bouffort n’arrêtait pas d’inventer et de créer. Il fut contacté pour travailler sur des projets de véhicules militaires car à cette époque les forces armées françaises utilisaient encore beaucoup de matériel américain de la seconde guerre mondiale. Il répondit à une demande de l’armée pour un petit véhicule tout terrain parachutable. Notre ingénieur se mit au travail et conçut le Fardier à 4 roues motrices, l’engin était simple et  léger, il était animé par le petit bicylindre Citroën refroidi par air.

Le Fadier Bouffort

En 1970, c’est la société Lohr qui se chargea de construire le Fardier qui équipa les troupes de parachutistes de l’armée française. À la même époque, l'ingénieur Victor Bouffort  conçut le prototype d’une  chenillette la VP 90 : Véhicule de  Patrouille vitesse  90 km/h.

Chenillette VP 90

L’engin était rapide et maniable, il avait une silhouette très basse, moins d’un mètre de haut, très difficile à repérer en combat.  L’étude de cet engin intéressa le bureau technique des Expéditions Polaires Françaises. Victor Bouffort mit au point le HB 40, ce véhicule chenillé à la caisse étanche et isotherme qui protégeait l’équipage des températures glaciales et des tempêtes de neige. 

Dans les années 60, Victor Bouffort s’intéressa aux problèmes de circulation dans les grandes villes.  Il se mit au travail et conçu plusieurs voitures citadines dont la Valmobile, cette valise magique de 70 cm se transformait en 2 minutes en scooter. À sa présentation, aucun constructeur ne s’intéressa à ce projet et d’une façon ironique ils conseillèrent  à Victor de faire sa démonstration aux japonais. Ce qu’il fit ! Il signa un contrat avec la société Hirano qui fabriqua la Valmobile à des milliers d’exemplaires.

Valmobile

Notre ingénieur travaillait toujours sur des projets différents et répondit à une demande de l’armée de terre en présentant un véhicule tout terrain amphibie : Le Bison. Cet engin polyvalent était de conception révolutionnaire, caisse monocoque, léger, tout terrain, parachutable, 7 places avec une charge de 1500 kg.  L’étude et la réalisation aboutissèrent en 1960 à la construction de 5 prototypes qui furent testés dans des conditions extrêmes. Le Bison était très fiable et rapide, sa construction était simple donc peu couteuse et répondait parfaitement au cahier des charges de l’armée. Une commande de 400 Bisons fut passée mais les industriels de l’époque ne relevèrent pas le défi et le Bison resta à l’état de prototype.  15 ans plus tard l’armée fut équipée d’engins qui furent réalisés sur la base de l’étude du Bison.

Bison

La Minima : ce sont les petites automobiles qui font les grandes histoiresVictor Bouffort restait toujours sensible aux problèmes de circulation. En 1968, il étudia avec son ami Henri Viard des solutions pour faciliter le stationnement et la circulation dans les grandes villes. Henri Viard était un homme étonnant, humoriste, romancier. Il signa des scénarios en collaboration avec Michel Audiard. Les deux compères observèrent que la majorité des automobiles circulait avec un à deux passagers.  L’idée était de concevoir une petite automobile « presque » citadine à 2 places dont la longueur ne dépasse pas la largeur d’une automobile classique.

Cette petite auto sera équipée d’un moteur assez puissant pour pouvoir  rouler à plus de 100 km/h ce qui permettra de circuler sur un rayon de 50 km autour des grandes villes et de pouvoir utiliser les axes de circulation rapides. La Minima était née, le petit prototype avait deux places, un solide châssis tubulaire, une carrosserie composite, des portes coulissantes, un espace à l’arrière pour des petits bagages, un moteur de 30 chevaux qui la propulsait à 120 km/h. Mais le projet de Victor Bouffort et d’Henri Viard  ne s’arrêta pas là. Il était prévu de construire cette petite voiture en grande série et de la proposer en « Libre-Service » sur des espaces spécialement aménagés en ville où les Minima seraient stationnées dos aux trottoirs.

Minima

La première Minima fut exposée au salon de l’auto en 1973, la petite auto fut hissée au 56ème  étage de la Tour Montparnasse pour une présentation officielle à la presse. L’idée était géniale, moderne et économique mais hélas l’automobile pour tous était arrivée trop tôt.  Le programme Minima resta sans suite. 40 ans plus tard  les concepts  de la Minima et de la voiture citadine en libre-service furent adoptés par des grands constructeurs automobiles et par les urbanistes dans le domaine du transport urbain.

Chassis de la minima

Pour la 42ème édition, Rétromobile retraçait l’épopée de cet ingénieur en présentant les prototypes qui ont marqué les grandes étapes de sa vie : la Minima qui était restée dans la famille, le prototype 3 roues à moteur Terrot 500 redécouvert il y a un an, un des cinq Bisons, la chenillette VP 90conservée par le Musée des Blindés et la Valmobile n° 0 qui réussit à séduire les industriels japonais.