24 heures du Mans, quand les français brillent

Le salon Rétromobile ouvre le bal des festivités du centenaire de la plus prestigieuse épreuve d’endurance au monde. L’occasion de redécouvrir qu’au fil des 90 éditions, constructeurs et artisans français se sont souvent illustrés dans la Sarthe.

Retour sur l’histoire du sport automobile en France

C’est un livre d’histoire qui va s’ouvrir devant les visiteurs du salon Rétromobile en février prochain. L’histoire d’un temps héroïque qui s’écrit largement en noir et blanc et que l’on revisite régulièrement sur des photos sépia ou des bobines de cinéma. Le sport automobile est déjà largement installé dans le paysage lorsque, sous la verrière du Grand Palais où se tient le salon de l’Auto 1922, Georges Durand, secrétaire de l’Automobile Club de l’Ouest, Charles Faroux, journaliste sportif à l’Auto et Emile Coquille, administrateur de la société Rudge-Whitworth, jettent les bases d’une nouvelle épreuve de 24 heures qualifiée de « Grand Prix d’Endurance ».

Quelques mois plus tard, le 26 mai 1923, trente-trois voitures représentant dix-sept marques et trois nations se présentent sur le circuit de 17,262 km tracé en pleine campagne, à l’est du Mans, autour d’un règlement qui prêterait presque à sourire aujourd’hui. L’épreuve, réservée strictement aux voitures de série, comporte un certain nombre d'obligations comme de parcourir au moins vingt tours capote fermée pour les carrosseries ouvertes, d'emporter un lest variable suivant le poids de la machine ou encore de réaliser une moyenne minimum en fonction de la cylindrée et de respecter un intervalle de vingt tours au moins avant de s’arrêter pour ravitailler en eau, essence ou huile. A l’issue des deux tours d’horloge, aucun classement n’était prévu et les voitures figurant à l’arrivée étaient qualifiées pour disputer la deuxième manche de la Coupe triennale Rudge-Whitworth. Sur la piste, sitôt le drapeau abaissé, pas question de réfréner les ardeurs des pilotes et si aucun classement n’est officiellement communiqué, nul ne pourra ignorer que la Chenard & Walcker 3 litres de André Lagache et René Léonard ouvre le palmarès. Quatorze succès tricolores et de nombreuses victoires de classe vont s’échelonner sur cent ans.

Chenard & Walcker

En 1925 et 1926, les lauriers reviennent à Lorraine-Dietrich et l’année suivante, la victoire échappe de peu à l’Aries 3 litres surnommée « La Punaise ». Des petites Salmson encadrent une Bentley sur le podium. Il faut attendre 11 ans pour qu’une marque française inscrive de nouveau son nom au palmarès. Entre temps, un véritable classement général a été instauré. Après le milieu des années 1930, la régénérescence de la formule Sport permet à la France d’augmenter son score grâce à un impressionnant triplé. Bugatti avec ses tanks 57 G et 57 C inscrit son nom sur le livre d’or en 1937 et 1939.

Bugatti tanks 57 C

Entre ces deux éditions, c’est une autre marque française, Delahaye, venue en force avec sept voitures qui réalise le doublé. Le Mans est alors une affaire française puisque Talbot anime amplement l’édition 1938 et l’année suivante, la meilleure voiture en piste pendant 20 heures est une Delage. Le Mans est l’épreuve que les constructeurs et les équipes veulent absolument remporter. Cette épreuve est devenue un formidable vecteur d’image, un accélérateur de progrès pour les constructeurs et une sensationnelle aventure humaine.

L'après Seconde Guerre mondiale 

Pour l’heure, la Seconde guerre mondiale met le sport en parenthèse. Les moteurs ne redémarrent qu’en 1949. Une année marquée par la participation des frères Delettrez avec un véhicule à moteur diesel. L’année suivante, la France retrouve la plus haute marche du podium avec la Talbot T26 GS de Rosier père et fils. La performance ne passe pas inaperçu : Louis Rosier gagne en solitaire, ne laissant le volant que deux tours à son fils Jean-Louis et après un arrêt au stand de 40 minutes pour changer une rampe de culbuteurs.

Talbot T26 GS

En 1952, Pierre Bouillin dit « Levegh » est bien parti pour imiter Rosier au volant de sa barquette Talbot mais à 70 minutes de l’arrivée, une casse moteur vient anéantir ses efforts. Certains diront que Levegh, qui n’a pas lâché le volant de toute la course, a fait un surrégime. Alors que les années 1950 voient les marques étrangères se partager les victoires au général, le classement à l’indice de performance devient la chasse gardée de Panhard. Alors qu’aucune marque française n’est en mesure de jouer les premiers rôles au général, durant quinze ans, successivement Monopole, Panhard-Monopole, DB Panhard et CD-Panhard se classent dix fois premiers à l’indice de performance. En 1959, l’ACO crée un classement dénommé « indice au rendement énergétique » faisant intervenir la moyenne horaire, le poids et la consommation, sans tenir compte de la cylindrée. Là encore, les petites cylindrées françaises – CD-Panhard puis René Bonnet et Alpine-Renault – vont valoir de sérieux atouts.

Alpine-Renault

Mais pour entendre la Marseillaise sur le podium, il faut encore patienter. A partir de 1962, quand survient le divorce entre Charles Deutsch et René Bonnet, avec les Alpine de Jean Rédélé, soutenues techniquement par Amédée Gordini, le sport automobile français monte en puissance. Face à l’escalade à la puissance que se livrent Ferrari, Ford et Porsche, le V8 3 litres des sport-prototypes de Dieppe paraît cependant un peu trop sage. Les espoirs les plus sûrs de victoire française reposent sur Matra.

Avec l’aval de Marcel Chassagny, le président de Mécanique Aviation Traction, et de son associé Sylvain Floirat, le jeune directeur général Jean-Luc Lagardère a lancé un programme sportif complet passant par la monoplace et les sports-prototypes. Matra se donne les moyens de réussir avec le développement d’un moteur 12 cylindres 3 litres. Il débute au Mans en 1968 dans le châssis type 630. Sous la pluie, Pescarolo héroïque hisse la Matra en seconde position avant de se retirer suite à une crevaison. La prestation a été suffisamment impressionnante pour persévérer. Cela va payer. A la suite du bannissement des Sports 5 litres, les prototypes 3 litres de Vélizy touchent les dividendes d’une préparation et d’une fiabilité hors pairs. Entre 1972 et 1974, Matra, soutenu par Simca, empoche trois victoires. Le constructeur peut se retirer la tête haute et laisser la place à Renault qui rêve de remporter la classique mancelle avec sa barquette à moteur V6 suralimenté. La firme au Losange réussit son pari au troisième essai.

Matra x Simca

En 1978, la paire Didier Pironi – Jean-Pierre Jaussaud fait tomber l’ogre Porsche. La barquette A 442 a gagné le droit de descendre les Champs-Elysées. Dans l’ombre, avec l’appui du fabricant de papiers peints Inaltera, un jeune manceau rêve à son tour de défier les grands noms du sport automobile. Jean Rondeau touche au but en 1980 après plusieurs années d’efforts et d’abnégation. Associé à Jean-Pierre Jaussaud, il remporte l’épreuve sous la pluie, au nez et à la barbe de la Porsche de Jacky Ickx. Aiguillonné par Rondeau, l’écurie WM, créée par Gérard Welter et Michel Meunier, deux techniciens de chez Peugeot, peut aussi y croire. En 1988, son proto piloté par Roger Dorchy et propulsé par un V6 PRV Peugeot établira un nouveau record de vitesse dans les Hunaudières. La vitesse sera relevée à 405 km/h pour accompagner la campagne de lancement de la Peugeot 405 mais la WM avait en réalité avoisiné les 410 km/h. Avec l’ajout de deux chicanes en 1990 dans la fameuse ligne droite, le record est toujours à battre.

Début des années 1990 : introduction d'une nouvelle réglementation sportive 

L’introduction d’une nouvelle réglementation sportive à l’aube des années 1990 incite, à son tour, Peugeot à relever le défi du Mans. Après une année de rodage, le lion de Sochaux empoche deux succès consécutifs (1992 et 1993) avec ses fameux sport-prototypes 905 propulsés par un V10 de 3,5 litres. La marque franc-comtoise reviendra à la fin de la décennie 2000 pour faire triompher sa technologie diesel HDI avec la 908.

Peugeot 908

Depuis l’année 2009, date de la dernière victoire d’une voiture française, la Marseillaise n’a plus retenti sur le podium. Entretemps, Henri Pescarolo n’a pas été loin d’ajouter une nouvelle fois son nom au palmarès de l’épreuve sarthoise mais en tant qu’écurie, cette fois-ci. En 2005 et 2006, l’un de ses protos s’est classé au deuxième rang. Quant aux pilotes français, toujours nombreux au départ, ils ont contribué à faire briller le drapeau tricolore depuis 1923. 

Nous sommes très heureux et fière de vous dévoiler la première exposition qui permettra de redécouvrir certains des plus beaux véhicules des constructeurs et artisans français qui se sont souvent illustrés dans la Sarthe.

Retrouvez cette exposition inédite dans le Hall 1 du Salon Rétromobile du 1er au 5 février 2023