La Jaguar type E fête ses 60 ans !

Alors qu’elle souffle ses soixante bougies cette année, la Type E n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction. Sa ligne et son style ont bouleversé les codes automobiles.

Le temps n’a pas altéré son pouvoir de séduction.

« On la voit et on la veut », disait le gourou du design américain Don Norman à propos de la Type E. Les bonnes fées se sont penchées sur le berceau de cette déesse mécanique. Cette icône des sixties descend d’une lignée de voitures couvertes de gloire aux 24 Heures du Mans.

Son évocation entraîne une armée de superlatifs. Pour Enzo Ferrari, la Type E « est la plus belle voiture jamais construite. » Il n’est pas le seul à le penser. Le magazine britannique Autocar l’a sacrée plus belle voiture du XXe siècle devant la Lamborghini Miura et la Ferrari 250 GT Passo Corto. Autre symbole du culte qu’on lui voue, la Type E est entrée au Museum of Modern Art de New York (Moma) en 1996. « Jamais une voiture n’a inspiré autant d’ardeur que la Jaguar Type E auprès des passionnés d’automobiles comme du grand public », explique le conservateur du musée.

Lors de sa révélation à l’hôtel-restaurant du parc des Eaux-Vives à Genève le 15 mars 1961, la veille de l’ouverture du salon, la Type E fait sa sensation par l'extraordinaire séduction de sa ligne, la modernité de sa structure qui établit de nouvelles normes en matière de confort de conduite, et un rapport prix-performances-prestations sans égal. Cette voiture de sport bouscule les codes et les conventions.

Même à l’arrêt, la Type E paraît en mouvement. Corps oblong et fuselé, capot dont la longueur démesurée et les galbes sensuels soulignent la puissance, la Type E s’affirme comme l'une des automobiles les plus indécemment sexy de tous les temps. « Le style, c'est l'émotion », disait le grand Bertone. La Type E, elle, déclenche carrément l'émoi !

Ce caractère provocant lui conférera d'ailleurs une image sulfureuse qui, masquant injustement ses qualités, la fera davantage considérer comme un piège à filles que comme la voiture de sport la plus avancée de son temps. Il est vrai que cette grande séductrice n'avait pas sa pareille pour transfigurer le plus falot des conducteurs en Don Juan ! Et malgré son âge, elle n'a d'ailleurs rien perdu de ce pouvoir quasi magique...

Pourtant, la Type E ne fut pas principalement créée pour exciter la libido de ses conquêtes. En fait, elle fut l’œuvre et même le chef-d’œuvre d'un aérodynamicien de talent, doublé d'un fin styliste, Malcolm Sayer, et du patron de Jaguar, William Lyons, qui faisait du design sans le savoir, mais avec un flair extraordinaire ! En outre, Lyons était doué d'un sens très poussé de l'économie dans la gestion de son entreprise. Il lui permit de mettre en pratique le précepte qui fut la clé de son succès : en donner à ses clients davantage pour leur argent.

En plus d’une ligne à se pâmer, la Type E introduit quelques innovations

  • des freins à disques,
  • des suspensions indépendantes
  • et le châssis monocoque emprunté aux Jaguar de compétition.

Rarement une voiture n’avait suscité une telle ferveur auprès du public et des experts. A Genève, quelques heures après sa présentation, on s’arrache déjà la Type E. Que ce soit le coupé ou le cabriolet. Sous le capot, on retrouvait le six-cylindres en ligne double arbre XK dans sa déclinaison 3,8 litres. Développant une puissance de 265 chevaux, il était capable d’emmener la remplaçante de la XK 150 à 245 km/h. La Type E ne tarda pas à montrer qu’elle était bien née.  A l’époque, elle est en avance sur son temps. Sa coque ultrarigide, sa direction très précise et sa suspension à barres de torsion lui assurent une remarquable tenue de route que Graham Hill met en exergue en remportant, au volant d’un roadster immatriculé « BUY 1 », une épreuve de GT sur le circuit d’Oulton Park le 15 avril 1961.

En 1962, ses qualités se confirment aux 24 Heures du Mans avec la 4ème place du coupé engagé par l’Américain Briggs Cunningham. A l’automne 1962, Jaguar finit par céder aux sollicitations de ses clients et demande à son bureau d'études de développer une Type E de course, à partir du cabriolet, capable de rivaliser avec la Ferrari GTO et l'Aston Martin DB4 GT Zagato.

L'arrivée des "lightweight"

Début 1963, la première des 12 «lightweight» est prête à être livrée à John Coombs, un fidèle de la première heure. Une treizième, unique, sera réalisée à partir d'un coupé pour Pierre Bardinon, un amateur de voitures de sport et de compétition. À part la structure, l'implantation et la cylindrée du moteur, tout a été modifié sur les versions lightweight. La carrosserie, abandonne l'acier au profit de l'aluminium. Les suspensions sont dotées de nouveaux combinés ressorts amortisseurs. Les roues Dunlop proviennent de la Type D.

Le 6-cylindres en ligne XK de 3,8 litres a été entièrement revu. Il adopte un bloc et une culasse en alliage léger permettant de gagner 40 kilos. Avec l'appoint de l'injection Lucas, de bielles de Type D et d'un nouveau vilebrequin, la puissance dépassait les 300 chevaux en début d'exercice pour atteindre 340 chevaux sur la voiture de l’Allemand Lindner en 1964. Pour la transmission, le constructeur offrait le choix entre la boîte Jaguar et la ZF à 5 rapports, plus lourde mais plus adaptée aux spécifications du moteur XK.

La E «lightweight» revendiquait un poids d'homologation de 920 kilos, soit un gain de près de 200 kilos par rapport à un cabriolet E de série. Même la GTO était battue avec ses 965 kilos. Sans doute en raison d’un manque de mise au point, la Type E fut pourtant incapable de rivaliser avec la berlinette italienne.

La Type E connut une longévité exceptionnelle

Fabriquée à plus de 70 000 unités, elle quitta le catalogue Jaguar au cours de l’année 1975. Sa carrière fut émaillée de plusieurs évolutions. Les puristes plébiscitent les toutes premières six-cylindres à moteur 3,8 litres, plus alertes que le 4,2 litres qui lui succéda. Toutefois, ces 3,8 l souffrent de la rudesse de leur boîte de vitesses et de la faiblesse de leur freinage qui manque de mordant.

Ces défauts furent éliminés avec l'apparition de la version 4,2 l, à laquelle les esthètes reprochent quelques réaménagements de détails, mais qui est unanimement préférée à la série 2, en raison notamment de l'abandon des carénages des phares, de la surélévation des feux et lames de pare-chocs arrière ainsi que du remplacement sur le tableau de bord des élégants interrupteurs d'origine par des basculeurs d'une affligeante banalité, le tout afin de se conformer aux normes américaines... Il est vrai que la majorité des Type E fut livrée aux États-Unis.

En 1966, Jaguar commercialisa une variante allongée avec deux petites places à l’arrière. Cette nouvelle version 2 + 2 n’était pas du goût de tout le monde mais était beaucoup plus pratique. 

A l’orée des années 1970, les performances exceptionnelles de la Type E ont perdu de leur brio à cause des normes environnementales et de l’évolution de la réglementation sur la sécurité. Pour redonner un coup de fouet à sa carrière, à partir de 1971, la Type E accueille sous son immense capot un moteur 12 cylindres en V à simple arbre à cames en tête de 5,3 litres.

La voiture change de catégorie. Les lignes de la Série III, nom désignant la Type E à moteur V12, présentent un changement significatif. La prise d’air avant, plus importante, comporte une calandre, et les passages de roues sont plus marqués afin de permettre l’adoption d’une voie plus large et de pneus plus importants. Pour la première fois, la boîte automatique est offerte à la fois sur le cabriolet et le coupé qui n’est plus disponible qu’en version 2 + 2. En 1975, avec la présentation de la XJS basée sur la berline XJ, le grand tourisme de Coventry prend un nouveau départ. 

Nous avons mis la type E à l'honneur sur notre affiche cette année. Découvrez l'affiche 2021.